Quand je me suis lancé il y a un an dans le recrutement, je n’avais aucune idée de qu’est-ce que j’allais faire, encore moins comment.
Mais je savais pourquoi je le faisais
J’avais vu dans ma propre carrière, et dans celle de mes proches, un gâchis considérable, aberrant, injustifiable.
Et c’était devenu presque un devoir de mettre mes compétences et mon énergie à essayer d’impacter les gens autour et moi, et idéalement, contribuer à changer les pratiques.
J’ai reçu souvent une oreille sympathique, mais à dire vrai je galérais à expliquer pourquoi aux autres.
Jusqu'au jour où j'eu un choc absolu en lisant Antoine de Saint-Exupéry mettre les mots sur mes maux avec une lucidité et un humanisme incroyable.
Voici le texte en question.
✍🏻 Antoine de Saint Exupéry. Terre des hommes
Je m’assis en face d’un couple. Entre l’homme et la femme, l’enfant, tant bien que mal, avait fait son creux, et il dormait. Mais il se retourna dans le sommeil, et son visage m’apparut sous la veilleuse. Ah ! Quel adorable visage ! Il était né de ce couple-là une sorte de fruit doré. Il était né de ces lourdes hardes cette réussite de charme et de grâce.
Je me penchai sur ce front lisse, sur cette douce moue des lèvres, et je me dis :
Voici un visage de musicien
Voici Mozart enfant
Voici une belle promesse de vie.
Les petits princes des légendes n’étaient point différents de lui
Protégé, entouré, cultivé, que ne saurait-il devenir ?
Quand il naît par mutation dans les jardins une rose nouvelle, voilà tous les jardiniers qui s’émeuvent. On isole la rose, on cultive la rose, on la favorise.
Mais il n’est point de jardinier pour les hommes.
Mozart enfant sera marqué comme les autres par la machine à emboutir.
Mozart fera ses plus hautes joies de musique pourrie, dans la puanteur des cafés concerts.
Mozart est condamné.
Et je regagnai mon wagon.
Je me disais : ces gens ne souffrent guère de leur sort.
Et ce n’est point la charité ici qui me tourmente.
Il ne s’agit point de s’attendrir sur une plaie éternellement rouverte. Ceux qui la portent ne la sentent pas.
C’est quelque chose comme l’espèce humaine et non l’individu qui est blessé ici, qui est lésé.
Je ne crois guère à la pitié.
Ce qui me tourmente, c’est le point de vue du jardinier.
Ce qui me tourmente, ce n’est point cette misère, dans laquelle, après tout, on s’installe aussi bien que dans la paresse. ..
Ce qui me tourmente, les soupes populaires ne le guérissent point.
Ce qui me tourmente, ce ne sont ni ces creux, ni ces bosses, ni cette laideur.